Le CISCA développe un programme de recherche autour de la résilience territoriale. Le Centre d’Innovations Sociales Clermont Auvergne analyse et évalue les pratiques de communication qui permettent de favoriser la transformation sociale d’un territoire.
Innovations sociales : deux approches radicalement différentes
Il existe deux cadres conceptuels sur la notion d’innovation sociale. D’un côté, les approches réformatrices et, de l’autre, les approches transformatrices. Pour illustrer la première; on peut prendre comme exemple, la mise en place de la RSE dans les entreprises, l’entrepreneuriat social ou la modernisation de l’action publique.
Ce ne sont pas des innovations dites « rupture » mais plutôt une évolution des règles du jeu. On reste sur une logique de marché, où l’on recherche de la nouveauté pour répondre aux besoins sociaux.
Les approches transformatrices sont par essence disruptives. La démocratisation de l’action publique ou les dynamiques socio territoriales en font partie. Elles se basent sur une économie plurielle, avec un changement institutionnel pour répondre aux aspirations sociales.
L’économie plurielle étant, la prise en compte de l’économie marchande et non marchande comme le bénévolat par exemple.

Les acteurs publics et participation citoyenne, des expérimentations….timides
On intègre de plus en plus les citoyens dans les processus de décision. Mais va-t-on assez loin ou cela n’est-il qu’un écran de fumée ?
Il existe différents niveaux d’implication du citoyen qui peuvent se révéler plus ou moins inconfortables pour les collectivités :
➙ L’information : c’est la base, on informe avant et après et puis c’est tout.
➙ La consultation : on écoute, mais on n’intègre pas forcément les propositions. C’est d’ailleurs plutôt en aval de l’action.
➙ La concertation : on concerte en amont de la prise de décision puisque l’on va intégrer une bonne partie des propositions.
➙ La coproduction : elle a lieu pendant la mise en œuvre de l’action publique. La société civile est partie prenante de l’action.
➙ La construction démocratique : avant, pendant et après….C’est le Graal, encore jamais vraiment atteint…

Les freins à l’innovation sociale
On ne le sait que trop bien, nous avons en France une conception jacobine du pouvoir. À travers la représentativité, nous acceptons que le pouvoir soit centralisé et que les décisions soient prises en notre nom par des élus.
Autre frein. La bureaucratie. Elle met une distance importante entre la prise de décision et le risque, ce qui entraîne de l’inaction et de l’inefficacité.
À cela, s’ajoutent freins d’ordre conjoncturel. Les promesses et les engagements non tenus par les politiques érodent la confiance des citoyens.
Par ailleurs, un nombre croissant de citoyens possèdent de réelles expertises, mais encore non considérées par les pouvoirs publics…
Enfin, on veut bien co-construire, mais pas avec tout le monde, alors on sélectionne certaines têtes de réseaux ou des citoyens qui nous ressemblent. Plus facile certes, mais moins complet.
Pour que la co-construction soit efficace, il faut un collectif hétérogène.
Les leviers à la co-construction de l’action publique
Heureusement, tout n’est pas perdu. Les pratiques de l’ESS commencent à infuser un peu partout et c’est une bonne chose quand on veut développer la co-construction.
Notons également, que l’on voit apparaître une intensification des revendications citoyennes et qu’il va être nécessaire de les traiter sous peine d’être discrédité politiquement.
Et pour conclure sur les leviers, nous avons collectivement pris conscience que le meilleur échelon pour être résilient .. c’est le local. On mobilise plus facilement lorsque l’on est proche géographiquement.
Communiquer, c’est accepter que nous venions tous de mondes différents
Nous sommes façonnés par tout un tas de facteurs externes et individuels. Lorsque nous nous exprimons, ce n’est jamais neutre.
Les contraintes professionnelles, le contexte sociétal, les expériences collectives précédentes et nos histoires personnelles vont entraîner des divergences et une hétérogénéité dans le rapport à l’action. C’est ce que l’on appelle : l’incommunication.

L’incommunication est un phénomène normal dans une relation humaine
Communiquer, c’est accepter de ne pas totalement se comprendre. C’est en se côtoyant au quotidien que l’on parvient à écrire une histoire commune.
Nous venons de le dire, ne pas se comprendre, c’est tout à fait normal. Pourtant, les réponses que l’on apporte face à nos divergences peuvent varier très largement :
➙ L’acommunication, c’est ne pas accepter la différence de point de vue. On n’arrive pas à se comprendre alors on tente de manipuler ou de dominer pour arriver à nos fins.
➙ La non-communication : on constate que l’on n’est pas d’accord et on décide de mettre fin à la discussion, car on juge que la différence est indépassable.
➙ La seule option acceptable finalement, c’est la cohabitation. On accepte les divergences et l’on va chercher à mettre en œuvre des pratiques qui vont nous permettre de construire ensemble malgré nos désaccords.
Comment pouvons-nous mieux communiquer ?
Il existe 5 leviers majeurs.
Tout d’abord, le cadre spatio-temporel. Organiser des temps de rencontres dans des lieux propices à la convivialité, en petits groupes, rien de mieux pour favoriser l’échange.
Le second levier est la posture communicationnelle des acteurs engagés. Pour faire simple, si vous mettez autour de la table des personnes qui détestent le collectif et qui ne supportent pas d’être contredites, ça ne va pas fonctionner. Basique.
Viennent ensuite, les leviers des actions communes. Participer collectivement à des événements, ça rapproche sans aucun doute. C’est à travers les expériences communes que l’on peut écrire une histoire commune.
Un quatrième levier qui peut paraître plus technique, mais qui ne l’est pas, ce sont les pratiques discursives de la communication. Pour résumer, si on se contente d’égrener son vocabulaire technique sans prendre en compte l’interlocuteur, ça ne va pas marcher. Il faut prendre conscience que le choix des mots peut être excluant si on ne fait pas attention.
Enfin, dernier levier, la posture de médiation. Parfois, il est nécessaire d’avoir un intermédiaire pour faire le lien entre les hétérogénéités. Le médiateur, c’est le tiers de confiance, reconnu, qui facilite la relation entre les différents acteurs.

Sans co-construction, on manque d’imagination
Aujourd’hui, on constate très souvent lors de la prise de parole des acteurs publics, que tout n’est que posture. Pourtant, pour co-construire nous avons vu que la bonne posture communicationnelle se base sur l’humilité des participants, l’attitude bienveillante et l’acceptation des différentes visions du monde. Ce qui est à contre-courant de ce qui se fait actuellement.
Le manque d’ouverture et de co-construction de l’action publique a pour conséquence une véritable faiblesse de nos imaginaires individuels et collectifs. Ce manque de “flexibilité collective” entraîne une incapacité à réfléchir différemment et à proposer des solutions innovantes.
Si rien ne change, on peut légitimement s’interroger sur l’évolution de nos sociétés.