Le transfert de technologie: le cas de la cancérologie
Le transfert technologique en cancérologie est un sujet sérieux s’il en est et pour tout dire, hyper pointu. Comme on ne s’adresse pas à un public de chercheurs du secteur médical, nous ne vous raconterons pas la teneur des exposés de cette séquence.
Pour autant, l’initiative était tout à fait fascinante. Fascinante, oui ! Parce qu’encore une fois, à l’occasion de la Clermont Innovation Week, nous avons pu lever le voile sur tout un écosystème que seuls les initiés connaissent habituellement. Et aussi parce que le sujet sous jacent n’est pas technique lui. Il s’agit de s’interroger sur les leviers à activer pour accélérer la transformation de la recherche publique en activités économiques productrices de valeur, économique mais pas que.
En 2020, l’Usine Digitale relayait les résultats d’une étude menée par PhDTalent et Bpifrance auprès de 1700 jeunes chercheurs en France, dans le cadre du déploiement du .plan DeepTech (doubler le nombre de startups issues de la recherche d’ici 2023)
Dans cette étude, 44% d’entre eux disaient envisager la création d’une start-up comme évolution potentielle de leur carrière. Et pas seulement pour créer une activité et transformer une idée en concept mais aussi, pour avoir un impact sociétal.
« Pour moi, être chercheur-entrepreneur, c’est transformer sa libre pensée en actions ».
L’étude mettait également en évidence la persistance de freins à lever, plus ou moins difficiles à appréhender.
Accélérer le passage à l’acte et la transformation de travaux de recherche en laboratoires publics en produits ou services innovants est un enjeu majeur pour la compétitivité nationale. Au-delà du plan DeepTech, c’est l’objet de nombreux plans et dispositifs. Et c’était le cœur du sujet de cette séquence coorganisée par Clermont Auvergne Innovation, le groupe Cancer Clermont Auvergne et le Cancéropôle Lyon Auvergne-Rhône-Alpes.
Freins principaux et ressources locales pour les lever
Cette étude pointait du doigt quelques-uns des freins à cette accélération. Globalement, pas de découvertes majeures sur le diagnostic. En revanche, un panel de solutions accessibles ici, qui produisent des effets et s’améliorent.
La fameuse étanchéité des mondes
20% seulement des répondants se sentent encouragés par leur environnement de recherche. A noter, et c’est assez drôle, qu’ils n’en attendent pas vraiment de soutien…
C’est un point qui a été brièvement évoqué par Nicolas Bourdel, chercheur et président de Surg’Ar, l’une des success stories appelée à témoigner sur cette rencontre. Même si les mentalités évoluent peu à peu, il reste encore une sorte de défiance à l’égard du monde business parmi les chercheurs des laboratoires de recherche publique.
Culture entrepreneuriale
L’étude montre une certaine confiance quant à la capacité à mobiliser des dispositifs d’accompagnement pour la création mais pour 66% d’entre eux, impossible d’en citer un ! Dans la même lignée, 69% des jeunes docteurs n’ont jamais participé à une formation à l’entrepreneuriat.
Des financements conséquents à mobiliser
Les jeunes chercheurs estiment aussi qu’il est difficile de financer sa startup, et encore une fois, pour 74% d’entre eux, impossible de citer un dispositif de financement.
Un territoire plein de ressources
A rapprocher sans doute du point précédent, cet état d’esprit est sans doute celui qui évolue le plus. On pense notamment aux programmes Pepite dont l’une mission est d’évangéliser l’étudiant à la démarche entrepreneuriale. On peut imaginer que pour ceux qui poursuivront une carrière universitaire, la perception ait singulièrement évolué.
A propos des dispositifs d’accompagnement, le témoignage de Nicolas Bourdel était également très intéressant. Avec Surg’Ar(*), il semble les avoir tous expérimentés, en commençant par les dispositifs présents à Clermont, puis au niveau régional, national et européen. A Clermont, c’est l’appui de BUSI (qui vient de rejoindre Clermont Auvergne Innovation) qui a été décisif pour enclencher l’étape d’émergence à partir d’une étude pré financée. Ensuite, et c’était sans doute l’un des messages principaux à transmettre par les organisateurs, les dispositifs s’enchaînent pour construire un accompagnement tout au long des étapes de maturation de l’entreprise. En effet, ces projets du secteur de la MedTech suivent à la fois les mêmes étapes que toute start up mais avec un niveau de complexité élevé lié aux dimensions règlementaires qui rallongent singulièrement les délais et les montants d’investissements. Ainsi, sur le territoire auvergnat, les trois co organisateurs de la rencontre articulent leurs interventions.
Un écosystème complémentaire
Le groupe Cancer Clermont Auvergne réunit les acteurs de la recherche (académique et clinique), dans le but de catalyser le travail collaboratif entre laboratoires et établissements de santé et de faire émerger des projets collaboratifs innovants.
Puis, pour passer de dynamiques de recherche à des projets d’innovation, c’est Clermont Auvergne Innovation qui intervient; En tant que filière de valorisation de l’Université Clermont Auvergne, elle se spécialise sur les questions de transfert de technologies et de création de start up issues des travaux de recherche. Elle va accompagner les équipes sur les épineuses questions de propriété intellectuelle, de maturation, …
Enfin, le Cancéropôle Lyon Auvergne-Rhône-Alpes intervient – et c’est un programme unique en France, sur l’un des points essentiels dans la maturation des projets MedTech : la preuve de concept.
Pour un dispositif médical ou un médicament, le parcours avant l’accès au marché est un véritable chemin de croix, avec plusieurs ‘stations’ stratégiques qui déterminent la suite de l’aventure. En matière d’innovation, l’instrument de mesure, c’est la TRL “Technology Readyness Level” ou échelle de maturité, qui comporte 9 barreaux. Si les financements accessibles (et nécessaires) sont assez nombreux sur la phase 1 à 3, ils se complexifient (et augmentent) sur les niveaux suivants. Entre T4 à T6, ce sont les phases de pré test puis de production de lots, de préparation de docs juridiques … c’est là que se joue le succès des innovations. Le POC est le moment critique, qui nécessite des fonds conséquents. C’est donc là qu’intervient le dispositif du Cancéropole.
(*) SurgAR, développe une solution de réalité augmentée pour la chirurgie. Nicolas Bourdel est Chirurgien gynécologue au CHU de Clermont. Il est mis à disposition pour la direction de la société, possibilité ouverte par la loi PACTe dans le cadre de la valorisation d’une invention issue d’un laboratoire. Créée en 2019, elle compte aujourd’hui 15 collaborateurs dont 3 bourses CIFRE.
Pour Nicolas Bourdel, ces dispositifs sont importants à plusieurs titres: parce qu’ils permettent de financer des phases critiques, mais aussi parce dans certains cas, leurs exigences constituent un guide dans la démarche entrepreneuriale. Il citait par exemple I-Lab qui embarque dans une dialectique business qui n’est pas innée pour les chercheurs. En racontant son histoire, Nicolas Bourdel ne cache pas la réalité de la création d’entreprises, de la recherche des fonds qui exige une vraie formation, des embûches, des lenteurs, des questionnements sur le choix des associés, …
Mais s’il a pu tester l’apport plus ou moins efficace de ces différents outils, il n’en est pas moins convaincu qu’ils produisent un effet booster indéniable, permettent d’accéder à des financements qu’il n’aurait pas mobiliser en restant dans son labo et surtout, permettent de rentrer dans des écosystèmes qui peuvent grandement accélérer les projets.
Enfin, en expliquant le montage juridique et financier de la société, il précise que le CHU de Clermont Ferrand est l’un des premiers en France à avoir des parts dans une start up. Pour Nicolas Bourdel et ses associés, c’était un point important
“ nous voulions que ce retour vers le CHU soit possible, parce que le but ultime, c’est bien d’avoir un impact sur la qualité de soins et de respecter nos valeurs éthiques en tant que chercheurs”
Des projets de labo prometteurs souvent en recherche de partenaires industriels
C’était la partie à la fois la plus technique mais aussi la plus surprenante de ce rendez-vous. 6 projets à des stades très avancées, sur des expertises extrêmement pointues présentés par des équipes de recherche de labo clermontois: des projets à fort potentiel d’innovation, pépites de demain sur Clermont Auvergne.
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